Prof. Jassem AJAKA
Physicist and Economist

Des fabricants de produits laitiers épinglés par le ministère de l’Économie

Anne-Marie El-Hage

Non-respect des normes, utilisation de substances interdites, rupture de la chaîne du froid, lacunes au niveau de l’hygiène… Une vingtaine de marques de yaourt et de fromage devront être retirées du marché.  Le ministère de l’Économie et du Commerce a annoncé hier sur son site web, www.economy.gov.lb, sa décision d’interdire la vente de nombre de produits laitiers (19 marques de labné et yaourt et 5 marques de fromage) pour non-conformité aux normes requises. Les usines concernées sont donc tenues de retirer les produits du marché jusqu’à nouvel ordre. L’annonce est laconique. Aucune marque n’est citée. Mais la liste circule sur la Toile. Elle sera bientôt publiée dans le Journal officiel, apprend-on de source officielle. Parmi ces produits fabriqués dans différentes régions du pays, une grande majorité de produits artisanaux, mais aussi quelques marques jouissant d’une notoriété. Un problème de fabricationQue reproche donc le ministère à ces fabricants ? « Ces produits sont en infraction pour diverses raisons », explique à L’Orient-Le Jour Jassem Ajaka, conseiller économique du ministre de l’Économie Alain Hakim. « Certains contiennent des bactéries qui se sont développées en trop grande quantité. D’autres contiennent des matières présentes en proportions trop importantes par rapport aux standards Libnor. Nous notons également la présence dans certains produits laitiers de substances interdites, telles la natamycine. » Le ministère constate, de plus, que la crise des déchets, qui s’est déroulée en période de fortes chaleurs, s’est invitée dans les processus de fabrication des produits laitiers. « Des producteurs qui ont été exposés aux ordures ménagères ont transmis des bactéries aux produits laitiers », note M. Ajaka. Au final, « les interventions et les contrôles menés par le ministère au niveau des usines et du marché auront permis de conclure que le problème se situe au niveau de la fabrication ». Le responsable est formel sur ce point. Il ajoute que la responsabilité des usines de production ne se limite pas au processus de fabrication, mais se situe également au niveau de la conservation des produits et du respect de la chaîne du froid. « Les producteurs ont donc l’obligation de retirer ces produits du marché », martèle-t-il, rappelant les appels lancés par le ministre de l’Économie à son collègue de l’Industrie pour assister les usines au niveau de la conformité aux standards de production requis. La mesure envisagée par le ministère de l’Économie n’est qu’un début, semble-t-il. « Au cours de l’été, nous allons multiplier les contrôles de produits alimentaires, car la chaleur est un facteur de risque pour les aliments », promet Jassem Ajaka. Le minimum requisQue pensent les experts d’une telle mesure ? « Le ministère de l’Économie est en train de mener des opérations systématiques d’inspection. Il applique par ce fait le minimum requis, compte tenu de l’adoption (en novembre 2015) de la loi sur la sécurité sanitaire des aliments, constate le Pr Toufic Rizk, doyen de la faculté des sciences, expert en hygiène alimentaire, contacté par téléphone. Cette loi nécessite toutefois l’adoption de décrets d’application. Car les fabricants ont besoin de suivre des règles écrites. » Le Pr Rizk observe que le ministère a tiré les leçons des erreurs passées. « Si ce dernier annonce des irrégularités, c’est qu’il y en a, effectivement », estime-t-il. Quant aux irrégularités les plus courantes, elles résident dans la « rupture de la chaîne du froid » lors du transport et de la conservation des produits alimentaires. « La chaîne du froid n’est pas respectée lorsqu’un aliment réfrigéré est soumis à la chaleur. C’est un élément essentiel dans la prolifération des bactéries », explique-t-il, précisant que l’élimination totale des bactéries est toutefois impossible. La contamination croisée est également un facteur de risque, souligne l’expert. « Il est courant, fait-il remarquer, qu’une personne travaillant dans la fabrication de produits laitiers ait été en contact avec des déchets ménagers et n’ait pas pris les mesures d’hygiène nécessaires avant de manipuler les produits alimentaires. » Autre irrégularité, les processus de fabrication ne respectent pas toujours les bonnes procédures. « Nombre d’industriels utilisent aussi des matières prohibées dans l’objectif de réduire les coûts de production. » Enfin, certains fabricants « ne retracent pas leurs produits » et n’en surveillent pas la conservation dans les points de vente, ce qui ouvre la voie aux infractions. Quant aux fabricants montrés du doigt, il s’agit de Habach, Dairy Fresh, Yaman et Majzoub à Saïda, Jabal Amel à Zayta au Sud, al-Akhdar à Addoussiyé, Milkana à Sarafand, Fromagerie Douaihy, al-Bayeh et al-Chimal à Zghorta, al-Rifaï à Tripoli, Aajaj à Abdé, Marj el-Khiam à Khiam, Tilal el-Marj à Chouaya, Charaf el-Baladi à Hasbaya, Khayrat Aïtaroun à Bint Jbeil, Dairy Day à Kfarchima, Hawa Diary à Safra, Laqlouq à Jbeil et al-Chouaf à Baalbeck. Avec l’approche des grandes chaleurs, une telle mesure ne peut qu’être applaudie, à la condition qu’elle ne soit limitée ni dans l’espace ni dans le temps. Affaire à suivre.

Source l’Orient-Le-Jour 

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